Sublimer la lamproie à la bordelaise : une version plus légère sans fausse note

La lamproie à la bordelaise, plat longtemps réservé aux rives de la Garonne, intrigue les curieux. Préparée selon la tradition avec du vin rouge, des poireaux, du jambon, des oignons et surtout du sang de lamproie pour lier la sauce, c’est une spécialité de caractère… mais aussi, il faut l’admettre, très riche. Pour alléger ce classique sans le priver de son identité :

  • Réduire les matières grasses : Remplacer une partie du beurre traditionnellement utilisé pour la sauce par un filet d’huile de colza ou de noix, plus discrètes mais riches en oméga 3.
  • Doser le vin : Utiliser un rouge léger et fruité (Plassac ou Castillon par exemple), pour une sauce moins taniquée et un plat moins pesant.
  • Alternative au sang : Laisser de côté le sang ou le remplacer par un mélange de jus de betterave, de sauce soja et de miso brun pour retrouver texture et profondeur (astuce utilisée notamment par la cheffe japonaise Junko Kawasaki à Bordeaux).
  • Accompagnements plus verts : Servir avec une compotée de légumes de printemps – asperges vertes, épinards sautés à la fleur de sel – pour contrebalancer la puissance iodée du poisson.

Cette version « moderne » séduit aujourd’hui autant les amoureux de la tradition soucieux de leur ligne, que les nouveaux venus curieux de découvrir la lamproie sans appréhension.

Entre terre et végétal : une alternative végétarienne à l’entrecôte à la bordelaise

L’entrecôte à la bordelaise reste une institution, glorifiée par sa sauce au vin, à l’échalote, à la moelle et parfois au thym. Pour une approche végétarienne, sans frustration, tout l’enjeu consiste à restituer l'umami et l’onctuosité.

  • Bases végétales inspirantes : Les pleurotes « king » ou les cèpes, bien dorés à la poêle, offrent une texture presque charnue et une capacité unique d’absorber les jus – alliés naturels pour revisiter cette recette sans viande.
  • Rôtissage et jus corsés : Cuire les champignons avec un peu de sel fumé, puis les servir nappés d’une sauce bordelaise faite avec fond de légumes, vin rouge corsé (Médoc ou Blaye), échalotes, et une pointe de beurre de cacao pour la brillance.
  • La touche « moelle » végétale : Remplacer la moelle par « l’os à moelle végétal » : bulbes de céleri rave lentement confits dans une vapeur de vin, puis émincés sur le dessus de l’assiette.

Le résultat conquiert même les carnivores : une assiette puissante, garnie de pommes de terre grenaille ou de panisses de pois chiche, et une belle démonstration que l’identité bordelaise peut s’écrire au pluriel, sans sacrifier le plaisir.

Les cèpes à la bordelaise en version tapas : une gourmandise à picorer

Fierté de l’automne girondin, le cèpe à la bordelaise se savoure généralement en poêlée, à l’ail et au persil, de préférence sur une tartine grillée avec un trait d’huile de noix. En version conviviale :

  • Croustillants de cèpes : Préparer de fines tranches de cèpes, les paner légèrement à la chapelure de pain de campagne, puis les frire à l’huile de pépin de raisin. À servir piqués sur des mini brochettes, accompagnés d’une crème d’ail doux, façon tapa basque ou pintxo.
  • Mini tartes sur pâte feuilletée sans gluten : Garnissage au cèpe, persillade, moutarde ancienne ; cuisson à four très chaud pour un côté aérien et croustillant.
  • Pickles de cèpes façon escabèche : Pour une touche acidulée, mariner les lamelles dans un vinaigre de vin doux, citron, baies roses et huile d’olive. Parfait pour réveiller une table de dégustation de vins.

Ces petits formats, inspirés de la restauration bistronomique, rendent hommage au produit tout en invitant à la découverte et au partage.

Du banquet au brunch : transformer le gratin de morue bordelais

Autrefois plat des familles, le gratin de morue mêle poisson dessalé, lait, pommes de terre et chapelure dorée. Pour l’adapter au brunch :

  • Muffins de brandade : Mélanger morue effilochée, purée de pomme de terre, persil, ail confit et œufs. Verser le tout dans des empreintes à muffins, parsemer de chapelure bordelaise et cuire au four jusqu’à obtention d’un dôme bien doré. À servir tièdes avec un coulis de poivron rouge.
  • Gratin individuel express : Préparer la base classique mais en petites cocottes individuelles, gratinées en dernière minute au four ; parfait avec une salade de pousses d’épinard et jeunes oignons, relevée d’une vinaigrette légère au citron confit.

Idéal lors des « dimanches blancs » typiques de l’hiver bordelais, pour retrouver la chaleur du terroir tout en jouant la carte du contemporain.

Le grenier médocain da sa mue contemporaine : upcycling gourmand

Longtemps considéré comme un mets rustique, le grenier médocain (panse et estomac de porc, bouillon d’épices, poivre et ail) séduit aujourd’hui les amateurs d’artisanat culinaire. Mais comment le revisiter ?

  • Version snack bistronomique : Détailler le grenier en fines tranches, le toaster rapidement puis le servir comme base d’un sandwich façon burger, garni de pickles de cornichons aigres-doux et de salade croquante.
  • Tartare de grenier : Ciselé très fin, relevé de zestes de citron jaune, pointe de piment d’Espelette, noisettes torréfiées et herbes fraîches (persil, coriandre). Dressé en verrine façon amuse-bouche, il renouvelle totalement la perception.

Ce travail de réinterprétation est déjà à l’honneur dans certaines adresses néo-traditionnelles du Bordelais (voir les créations de la maison Saunion ou de la Brasserie Bordelaise).

Sauce bordelaise, nouvel écrin pour la cuisine végétarienne 

La sauce bordelaise, mariage profond du vin rouge, échalotes et moelle, s’offre aussi de nouvelles perspectives pour accompagner légumes, céréales ou même œufs poêlés.

  • Sauter l’étape de la moelle de bœuf et renforcer l’umami avec une réduction très lente de vin rouge, jus de champignons (shiitaké ou cèpes séchés réhydratés), échalotes confites et pointe de sauce soja fermentée.
  • Souligner l’acidité, pour mieux coller à des légumes grillés : relever la sauce avec quelques gouttes de vinaigre balsamique de qualité.
  • Épaissir, non à la farine, mais à l’aide d’une purée de haricots blancs mixés, pour conserver le velouté sans gluten ni lactose.

Résultat : la sauce devient le trait d’union entre tradition et liberté végétale, sans rien céder sur la profondeur aromatique.

Voyage des saveurs : des épices du monde dans les recettes bordelaises 

Bordeaux a longtemps été un carrefour commercial, où se sont échangés vins, sucres et épices. Aux classiques poivres noirs du Médoc, s’ajoutent aujourd’hui dans la cuisine :

  • Poivre de Timut du Népal pour révéler la sauce des cèpes ou de la lamproie, apportant des notes citronnées et florales ; (source : Le Monde).
  • Ras-el-hanout infusé dans une compotée de légumes de printemps pour garnir une assiette bistro, clin d’œil à la cuisine portuaire et aux migrations de l’Algérie vers la Gironde dans les années 1960 (cf. « Bordeaux, Port de la Lune », Éditions Sud Ouest).
  • Sumac pour twister le gratin de morue ou relever une salade d’herbes à côté d’un grenier revisité.

L’équilibre est à trouver pour ne pas masquer le caractère des produits locaux ; l’épice doit sublimer, non supplanter.

Défi sans gluten : la daube bordelaise repensée pour tous

La daube bordelaise, préparée traditionnellement avec du bœuf mijoté, légumes racines, vin rouge et farines pour lier la sauce, s’ouvre aujourd’hui à ceux qui surveillent leur consommation de blé.

  • Remplacer la farine de blé par la fécule de pomme de terre ou de maïs pour lier la sauce, en conservant la texture nappante.
  • Accompagner la daube non plus de pain classique, mais de polenta crémeuse aux herbes, ou même de sarrasin toasté façon kasha, comme dans le sud-ouest russe, autre port fluvial majeur.
  • Privilégier des morceaux de viande moins gras, une cuisson plus lente à basse température, pour préserver le fondant sans alourdir.

Une évolution déjà popularisée par des enseignes comme Manger Bordeaux, prouvant que tradition et santé peuvent cheminer ensemble.

Inspirations sucrées : détourner les recettes salées pour surprendre

Par jeu, par curiosité ou pour offrir une note finale inédite, il est possible de repenser les recettes salées en douceurs inattendues – un terrain propice pour la jeune pâtisserie bordelaise.

  • Sablé au cacao, zeste d’orange et poivre de Timut : hommage à la sauce bordelaise, mais transformé en ganache parfumée, mariée à la dacquoise aux noisettes et coulis de cabernet.
  • Madeleine façon cèpe et miel de châtaignier : inspirée par les saveurs de la forêt landaise, en version sucrée-salée idéale pour l’apéritif ou en fin de repas.
  • Pavlova à la compotée de poires pochées au vin rouge et anis étoilé : clin d’œil à la lamproie et à la poire pochée, grand classique des tables de fête.

Ces créations sont déjà le terrain de jeu d’artisans pâtissiers bordelais, tel Au Petit Mousse, qui revendique la gourmandise comme vecteur de transmission culturelle.

Redéfinir portions et dressages : la table bordelaise à l’ère de la bistronomie

Longtemps servies abondantes et généreuses, les spécialités bordelaises s’adaptent aux envies d’aujourd’hui : plus petites, élégamment dressées, multipliant les textures et les couleurs.

  1. Repenser la lamproie ou la daube en petits contenants, en cocottes individuelles, à l’instar de la cuisine de partage.
  2. Privilégier les dressages en strates ou en étagement, pour valoriser les composantes visuelles, à la manière du « gribiche » ou du « parmentier » revisités dans les nouveaux bistrots de Bacalan ou Chartrons.
  3. Jouer des contrastes : verts acides, rouges profonds du vin, crèmes beurrées ou mousses aériennes, pour renouer avec le goût en sollicitant aussi le regard.

C’est aussi dans la façon de servir, plus que dans la recette, que la modernité s’invite : la beauté du plat invite à la curiosité, sans trahir son âme originelle.

Bordeaux, toujours à table… autrement

Le patrimoine culinaire bordelais n’est ni figé, ni intouchable. Le revisiter, c’est prolonger sa vie : oser, parfois déstructurer, toujours chercher l’accord juste entre tradition et excitations contemporaines. Preuve que le respect des saveurs d’hier ne s’oppose jamais à l’intelligence du goût d’aujourd’hui – il s’en nourrit, s’en empare, et nous invite à écrire, à notre tour, la suite de l’histoire.

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